Il y a trente ans, je participais avec tout l'enthousiasme de ma jeunesse à la Marche des Beurs. Dans la foulée, ou presque, je travaillais à Radio Beur, l'une des premières radios communautaires où toutes les espérances étaient permises. Nous communions alors dans les rassemblements festifs de Touche pas à mon pote, nous étions si sûrs que le monde changeait, qu'avec la peine de mort qui était supprimée c'était tout l'arbitraire d'un monde conservateur et droitier qui allait disparaître. Sans doute ma génération s'est-elle trompée…
Trente ans plus tard, les batailles sont toujours aussi difficiles à gagner. Les inégalités face à l'embauche ou au logement sont toujours légion. Les « minorités visibles » sont désormais… 2% à l'Assemblée ! Si la loi permet aujourd'hui de mieux sanctionner toutes les dérives, y compris langagières, il suffit par exemple de regarder la plainte déposée la semaine dernière par le MRAP pour voir la difficulté à faire émerger une société plus égalitaire, plus respectueuse des droits de toutes et tous.
Nous parlons souvent de République exemplaire. Certes, on peut longtemps débattre de la nécessité ou pas pour un personnel politique d'être plus irréprochable que le commun des citoyens. Et si au lieu de l'être plus, il l'était moins ? Car que dire de ces appareils qui refusent de mettre en haut de l'affiche des têtes un peu moins blanches au motif que les votants ne soutiendraient pas des candidatEs issuEs des minorités visibles ? Que dire de cette Assemblée qui ne souffre pas de voir ses éluEs changer de couleur ?
Et si l'on parle de discrimination, n'oublions pas de parler de ces messieurs qui se voudraient tellement plus compétents que ces dames ! Et qui vont jusqu'à s'oublier sur les bancs de l'Assemblée et d'imiter des poules lorsqu'une députée monte à la tribune. Un perchoir que ces sexistes indécrottables n'hésitent pas à confondre avec un poulailler dès qu'une femme prend la parole. Et que dire, là encore, de cette sanction ridicule qui prive un député d'une petite partie de son indemnité alors même que dans la vraie vie, des propos sexistes tenus dans une entreprise peuvent être une cause réelle et sérieuse de licenciement ?
La Marche des Beurs, c'était il y a trente ans, déjà. Le mariage des homosexuels, c'était il y a quelques mois. Les succès sont là. Mais le chemin à parcourir reste tellement long… et la seule indignation ne suffira pas à tout changer.
Nathalie Laville, membre du bureau exécutif, chargée des campagnes-actions et communication
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