dimanche 15 janvier 2012

Discours de François Bayrou -

Seul le prononcé fait foi.

Mesdames, Messieurs,

Hier soir, nous avons connu un moment grave de notre histoire
contemporaine, et qui a été ressenti comme tel par une majorité de nos
concitoyens. La note AAA de notre pays a été dégradé, l'agence S&P
indiquant de surcroît qu'il y avait une chance sur trois que cette note
subisse dans les mois qui viennent une deuxième dégradation.

Pendant ce temps, l'Allemagne a conservé. Les Pays-Bas aussi…

Cela permet de vérifier deux choses, dont
responsabilité d'avertir les Français depuis dix ans :

D'abord que la politique d'insouciance conduite depuis des années ne
pouvait manquer de nous conduire à de graves risques. Nous y sommes.

Et ensuite que cette « crise » est pour une grande part une crise
nationale. La preuve, c'est que d'autres pays, avec la même monnaie, et le
même pacte social que le nôtre, présentent un tout autre bilan, en
croissance 3%, en emplois licenciements Agence pour l'emploi, en
enrichissement du pays.

Cette crise est grave. Elle est la plus grave que la France ait vécue
depuis plus de cinquante ans. Elle a des ramifications nombreuses, elle
ne provient pas d'une seule cause.

Mais elle nous impose de tout reprendre à la source, dans la stratégie
nationale qui a été celle de la France, dans la décision publique aussi
bien que dans la structure de l'État, et dans les rapports de l'État avec
la société, notamment avec les acteurs économiques.

Je veux vous dire ma conviction : la tâche qui est devant nous, devant
le peuple français pour les années qui viennent, c'est la même tâche que
celle que la France dut affronter en 1958. Les doutes sont les mêmes,
la crise financière est la même, à l'époque c'est auprès du FMI que notre
pays va chercher de quoi faire « ses fins de mois ». Et la capacité de
rebond est, je le crois, la même, les ressources humaines, l'énergie, la
capacité du pays n'ont pas changé. Ce sont de mauvaises orientations qui
ont été suivies. Il ne tient qu'aux Français de choisir un autre cap, en
choisissant son président au mois de mai.

Si nous comprenons que la source de cette crise est dans
l'effondrement de la production du pays, que ses conséquences sont
dans la chute de l'emploi, l'appauvrissement consécutif au déficit
permanent du commerce extérieur, et que le déficit et la dette en sont
les symptômes les plus frappants, et qu'il suffit de s'attaquer à la
cause du mal, alors la démoralisation du pays cessera. La « dépression »

que nous traversons vient du sentiment que la crise est sans issue, que
nous ne pouvons pas en sortir.

Je crois le contraire : nous pouvons en sortir, même s'il faudra des
années, mais je préfère des années de mobilisation à des années de
lamentation. Nous pouvons en sortir à condition de choisir la stratégie
claire et solide que la situation exige, de tourner la page sur nos
faiblesses, et sur la première d'entre elles, la division du pays quand il
s'agit de l'essentiel.

Je vais être plus précis : la vraie cause de la « morosité française », de
cette dépression dans laquelle le pays donne parfois l'impression de
s'enfoncer, ce ne sont pas les défis qui sont devant nous ; c'est que nous
n'avons pas encore commencé à nous y attaquer. Nous avons cédé à
l'agitation factice, et repoussé, sans cesse, les ajustements à demain.
Rien n'est au fond plus angoissant.

Retrouver la production, il n'existe aucun autre moyen de rétablir la
situation de la France ! Il n'y a pas d'emploi sans production, il n'y a pas
d'intégration des jeunes dans la vie active sans production, il n'y a pas
de pouvoir d'achat sans production, il n'y a pas de finances publiques en
équilibre sans retour de la production. Et symétriquement, il n'est pas
de retour à la production sans retour à l'équilibre.

Stratégie : le mot veut dire que l'on choisit une route, que l'on sait où
l'on va. Trop souvent, depuis des années, on a eu l'impression, d'un
grand désordre de pensée, là où l'ordre aurait dû régner, de
l'improvisation, de la fébrilité, de décisions qui étaient uniquement en
réaction à l'actualité la plus immédiate.

Il faut rompre avec l'immédiateté. Il faut un calendrier d'action, où la
fixation du but à atteindre, de l'horizon qu'on définit, compte autant
que les décisions d'urgence. C'est cela l'Agenda 2012-2020.

2012, c'est à partir de juin, de la rentrée parlementaire.

2015, ce sera pour nous le terme du plan de rééquilibrage des
finances publiques.

2017, ce sera la prochaine échéance.

2020, au tournant de la décennie, la France devra avoir retrouvé un
modèle de société, et sa force.

Nous voulons en 2020 la France productrice.

Une France qui ait retrouvé sa capacité de production, qui sache
innover, produire et vendre. Car seul « innover, produire et vendre »
peuvent assurer l'avenir de notre pays.

Nombreux sont ceux qui croient que c'est impossible. Pour moi, c'est
cet aveu d'échec qui est impossible.

Ce n'est pas d'abord avec sa tête que l'on dit non à l'abaissement. C'est
avec ses tripes ou avec son cœur, comme vous voudrez et c'est au fond la
même chose. C'est avec devant les yeux le visage de ses enfants, et c'est
avec ceux que la vie vous a donnés comme amis d'enfance, pour moi amis
de village, les ouvriers, les paysans, ceux qui prenaient comme on disait
l'ascenseur social. C'est avec une idée de son pays, grande histoire et
grande puissance, plusieurs fois humilié, amoindri, et chaque fois
redressé, ranimé.

Je sais bien que c'est difficile, autrement bien d'autres l'auraient fait.
Je sais bien que c'est exigeant, autrement on n'aurait pas l'impression de
vide devant lequel les Français se trouvent.

Mais c'est d'abord une question politique : c'est-à-dire une question de
cohérence et ensuite de persévérance.

Or s'il est deux qualités que nous pouvons revendiquer, vous et moi,
c'est notre obsession, depuis longtemps, de la cohérence, et notre
abonnement, depuis longtemps, à la persévérance. Cohérence et
persévérance, ce furent des qualités de résistance, ce seront, si les
Français le veulent, des qualités de présidence.

Il faut une détermination. Il faut une stratégie. Il faut s'y tenir dans
le long terme et que le court terme, le moyen terme et le long terme
soient autant d'étapes pour la réalisation du même dessein.

S'y tenir, maintenir l'effort, ne pas changer, comme on le fait depuis
des années tous les quatre matins, pour satisfaire au dernier sondage, à
la dernière tendance, c'est le commencement de la confiance.

Pourquoi tant d'acteurs économiques n'investissent plus, ne prennent
pas les décisions qui s'imposeraient ? Parce qu'ils ne savent pas ce que
demain sera dans un pays où l'on n'est même pas sûr, (et la remarque
vaut pour l'un comme pour l'autre de ceux que j'appelle les PPP, partis
provisoirement principaux), où l'on n'est même pas sûr qu'ils
maintiendront une demi-journée les annonces principales qu'ils font à
destination des Français. Sur la fiscalité, sur la fusion de la CSG avec
l'impôt sur le revenu, sur le quotient familial, sur le mariage
homosexuel, ce qui est annoncé le matin est dénoncé l'après-midi.

Ont-ils réfléchi avant de parler ? On a l'impression qu'en fait ils
réfléchissent comme réfléchissent les miroirs, ils réfléchissent les
sondages, ou ce qu'ils croient être décrit par les sondages. Car ils ne
parlent pas pour dire le fond des choses. Ils ne parlent pas pour mettre
dans le débat ce que, comme hommes d'État, ou comme hommes tout court,
ils ont de plus précieux, de conviction chevillée au corps. Ils parlent,
ils annoncent, ils publient, pour dire ce qu'ils croient que les gens
veulent entendre !

Telle n'est pas ma conception, ni ma pratique. Je crois qu'on dirige un
pays, qu'on construit son avenir, avec des orientations de fond, avec des

choix qui engagent, qu'on peut expliquer à tous, d'abord et surtout à
ceux qui n'ont ni relation, ni les codes secret du langage des initiés.
Voilà pourquoi je crois au devoir de pédagogie civique.

On s'est trompé en France depuis les années 80, plus gravement
encore au cours des années 90. En ce pays qui était un pays d'ingénieurs,
on a cru qu'il fallait en faire un pays de financiers.

Jean Peyrelevade a très finement analysé comment le modèle anglo-
saxon, américain et britannique, appuyé sur deux monnaies de réserve du
monde, la livre et le dollar, a fasciné la planète. La France avait un
modèle de société, une société de producteurs, industriels et agricoles.
Elle en avait même fait un modèle politique, assis sur de grands choix
industriels, de de Gaulle à VGE.

Et puis paradoxalement, dans les années 80 et 90, notre pays a
subrepticement rendu les armes à l'autre modèle, celui où la maîtrise
industrielle cédait le pas à la maîtrise financière, rendu les armes sans
condition, adoptant d'enthousiasme toutes les normes, notamment
comptables ou de plus en plus juridique, qui n'étaient pas les nôtres, et
dont les marchés financiers étaient le parangon, le plus pur champ
d'application. C'était un combat culturel, et nous l'avons perdu. Peu à
peu, nous nous sommes alignés, par exemple en matière de normes,
comptables ou juridiques.

Cette politique industrielle d'État avait ses défauts. Elle entraîna
sans doute des erreurs, et il suffit d'appuyer sur le bouton pour les
avoir en tête, le plan Calcul et le Concorde.

Mais l'effacement complet de cette politique laissa notre pays sans
stratégie, chacun jouant pour son compte, cherchant comme on dit à
« maximiser ses profits ». Résultat : les pays à stratégie comme
l'Allemagne, avec la détermination de défendre la place de leurs
productions et de vrais liens entre entreprises et banques, ont sauvé
d'abord et porté ensuite leur appareil de production au plus haut
niveau mondial, et nous, nous n'avons plus accordé d'intérêt à l'appareil
de production.

Il faut donc changer de modèle : au lieu du modèle financier, il faut
le modèle d'un pays qui produit.

Retrouver la production, voilà la mère de toutes les batailles. Tout
doit être subordonné à cette ardente obligation.

Ce qui signifie une chose très simple et très exigeante.

Il faut d'abord que dans les trois années qui viennent, à l'échéance
2015, notre pays ait réussi à inverser la tendance d'effondrement
continu de la production qui dure depuis trente ans. Et cela, en
s'appuyant sur les forces retrouvées de notre pays, et dans le cadre
d'une Europe qui elle-même doit avoir une vraie stratégie industrielle.

« Les forces retrouvées de notre pays ». Cette phrase est un choix
politique, une affirmation politique qui oriente ma vision. Ce n'est pas de
l'extérieur que viennent nos faiblesses, et ce ne sera pas de l'extérieur
que viendra notre redressement. Il est vain de croire que « c'est la faute
de la mondialisation », ou que « c'est la faute de l'Europe », ou « la faute
de l'euro ». La mondialisation est en marche depuis des siècles. Elle sera
dans l'avenir plus ou moins fluide, notamment pour des raisons qui
tiennent au prix de l'énergie. Mais on ne refermera pas les frontières.
Et si l'on avait la folie de le faire, ce serait un drame. Nous avons vu en
grandeur réelle, sous nos yeux, ce qu'il advenait, dans le même pays, de
l'évolution parallèle d'une société fermée et d'une société ouverte.
L'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest, la Corée du sud et la
Corée du Nord, point de départ identique, point d'arrivée terrible et
dramatique pour les uns, spectaculaire pour les autres !

C'est donc sur nos propres forces, sur notre propre capacité de
réforme que nous devons compter pour construire la France
productrice.

Je veux ici, en évoquant les forces retrouvées de notre pays, répondre
à ceux qui m'ont objecté que nous, courant de pensée européen, nous
n'aurions pas dû poser la question sous l'angle national, mais sous
l'angle de l'Union. Je crois qu'ils se trompent lourdement ! Bien
entendu, vous l'entendrez dans un moment, il faut une stratégie
européenne : il y a des enjeux qui ne sont plus à la portée d'un pays
seul.

Mais deux raisons imposent que l'effort soit national. Il faut une
politique nationale de reconquête, parce que la totalité de la solidarité
s'exerce et se finance dans le cadre national. Il n'est pas indifférent
que les emplois soient situés en Allemagne ou en France, que les
revenus soient localisés en Allemagne ou en France. Dans un cas, ils
acquittent des impôts et des taxes sociales, dans l'autre non. Dans un
cas, ils font solidarité, dans l'autre non.

Et il faut une politique nationale de reconquête parce qu'il faut dans
le cadre de l'Union européenne un vrai équilibre entre les pays et les
sociétés. De même que dans un pays donné, il faut un aménagement du
territoire, et des activités harmonieusement réparties, des régions
équilibrées, de même il faut des activités au plus près des populations
harmonieusement réparties dans l'espace européen. Il faut un ensemble
de pays également en bonne santé, et pas un pays en éclatante bonne
santé entouré d'autres fragiles.

Retrouver la France productrice en 2020. Cela impose, - vous voyez là
la démarche rétrospective de la gestion par objectifs, fixer le but à
atteindre, c'est définir des étapes intermédiaires, les intégrer dans un
calendrier et dans un plan et enfin décider de l'urgence -, ce qui impose
donc d'identifier clairement, dans les deux mois qui suivront l'élection
présidentielle, les raisons de fond qui expliquent notre effondrement.

Je propose que cette réflexion soit conduite dans le cadre d'un
nouveau rapport Rueff-Armand, qui sera concerté non seulement avec
les forces politiques, mais avec les entreprises et les partenaires
sociaux.

De manière qu'une loi-cadre puisse être adoptée à la rentrée
parlementaire, une loi dont le sujet sera le réarmement productif de la
France.

D'ores et déjà, je veux vous livrer mes orientations :

- La première question, c'est la confiance. Ce que nous devons écrire,
préparer et voter, ce seront des textes, des lois-cadres, en petit nombre,
brefs dans leur énoncé, bien écrits, durables destinés à garantir que
sur une longue période les axes choisis par le pays ne changeront pas.
La confiance en matière juridique, en matière fiscale, c'est la stabilité
et la durée.

- Ensuite il faut une mobilisation générale et une stratégie.
Mobilisation générale : changement d'état d'esprit, mentalités autant
que règles. Mobilisation des entreprises, des ingénieurs, des
chercheurs, des commerciaux (on ne produit que si on sait vendre !...),
des réseaux de distribution, des consommateurs, du système de
financement. La mobilisation est d'ordre psychologique, elle dépend
donc du peuple et de ses élus, au premier rang desquels celui qui a été
choisi pour incarner un temps le destin du pays, le président de la
République. Et aussi une stratégie, une organisation, une incitation,
qu'il faut légère (car en ce domaine, rien ne se décrète), imaginative (car
tout est à inventer en France dans le domaine d'une stratégie nationale
de production associant des acteurs libres) et ambitieuse (car le
principal obstacle sera dans l'esprit des acteurs, dont chacun verra
d'abord son intérêt et la dimension des difficultés).

- L'État en raison de ce qu'il est en France doit être stratège. Il y a
des pays qui peuvent se passer d'État. Entre nous, il n'y en a pas tant
que cela. Dans les grandes réussites économiques du siècle, chaque fois
qu'un pays a su se transformer rapidement, l'Etat jouait le rôle
d'aiguillon et de fédérateur. Je pense au MITI japonais, je pense à
l'agenda que l'Allemagne a su se donner au début des années 2000. Et en
France plus qu'ailleurs, il en a toujours été ainsi : notre énergie
nationale donne toute sa mesure quand elle se canalise dans la vision
d'un Etat stratège. Stratège, cela ne veut pas dire commandant en chef,
« je décide, ils exécutent ». Stratège, cela veut dire qu'il se sent en
charge de faire partager un plan de bataille, qu'il se donne pour tâche
de convaincre les acteurs.

- L'organisme pour porter la stratégie existait. C'était le Commissariat
au Plan. Bien entendu, les plans quinquennaux, sur le modèle du
Gosplan soviétique ne sont plus de saison. Mais une réflexion pour la
nation, qui ouvre sur des progrès à faire, sur des terrains à réoccuper,
qui parle aux industriels, aux syndicats, aux organisations

professionnelles, qui leur propose de se rapprocher, qui surveille
l'évolution des autres parties de l'Europe ou du monde, qui discerne la
stratégie qu'ils adoptent dans les technologies les plus nouvelles, cela
c'est non seulement de saison mais d'avant-garde. Je défendrai donc
l'idée d'un Commissariat aux stratégies, tourné non seulement vers le
pouvoir politique, mais vers la société civile. J'ai toujours été frappé de
ce que Jacques Delors dit sur ce que le Commissariat au plan apportait à
la France, tout ce croisement de prospective, d'expériences et
d'inventivité. Quand on pense à la grande Chine, avec tous ses travers,
et qu'on mesure les décennies de réflexion à l'avance que prépare son
appareil d'État, je me dis que les quelques dizaines de talents et
d'expériences que nous placerons dans ce Commissariat aux stratégies
seront un bon et juste investissement, léger et rempli d'intelligence
prospective. Naturellement, sans dépenser un euro de plus, puisqu'ils
seront prélevés sur les moyens de fonctionnement de l'État.

- Nous avons besoin de soutenir les entreprises et notamment les
PME. Il est répété partout désormais que la force de nos voisins tient au
réseau de leurs entreprises moyennes. Nous avons laissé s'affaiblir ce
réseau. Il faut au contraire le soutenir. Nous avons deux moyens de le
soutenir : d'abord, faire naître des réseaux entre PME et grandes
entreprises. Les grandes entreprises sont un des atouts maîtres de la
France. C'est généralement sous-estimé car les groupes sont souvent
éclatés en myriades d'entreprises différentes. Mais ces groupes sont
une puissance. Ils maîtrisent d'importants réseaux de commercialisation,
la majorité de la recherche appliquée. Ils ont acquis la maîtrise des
processus de production les plus contemporains (numérisation,
automatisation) qui vont à coup sûr dominer la décennie qui vient. Elles
peuvent les partager, les transmettre, accepter que se greffent à leur
compétence des entreprises en développement. Beaucoup le font avec
leurs sous-traitants. Mais d'autres peuvent porter de l'innovation,
elles sont plus souples, plus réactives, elles sont donc
complémentaires.

- Nous avons besoin d'instruments nouveaux de financement : des
progrès ont été faits, l'action d'Oseo, ou du FSI, n'a pas été sans fruits.
Mais très souvent les entreprises, surtout moyennes, ont des besoins en
fonds propres devant lesquels les banques sont frileuses. Nous avons
besoin d'un instrument nouveau, décentralisé, qui enrichisse l'offre de
crédit aux entreprises… Et nous avons besoin d'une ressource nouvelle,
qui permette de sécuriser l'épargne qui serait dirigée vers l'entreprise.

- Il faut changer le climat social dans l'entreprise. Aujourd'hui, tout
paraît organisé pour que rien ne bouge. Le blocage endémique, la
« guerre froide sociale » qui s'est instaurée dans les relations entre
l'entreprise et ses salariés est l'une des principales faiblesses
françaises. C'est d'ailleurs aujourd'hui la même chose dans le dialogue
social à l'échelon national. C'est un sujet d'intérêt national. Je pense
qu'il faut ouvrir, dès la fin du processus électoral du printemps, un
travail approfondi, qui pourra prendre plusieurs mois sur l'évolution

de la démocratie sociale en France. Bien des sujets devront être mis sur
la table : les taux de syndicalisation, la gouvernance de l'entreprise, et
aussi le financement des syndicats comme des organisations patronales.
Je veux dire au passage qu'il est honteux que le rapport de Nicolas
Perruchot ait été interdit de parution, et même d'évocation, sous peine
de poursuites pénales, par un accord souterrain et conjoint de l'UMP et
du PS, en une décision digne de l'Inquisition. Je pense qu'il faut faire un
pas décisif. Je proposerai que pour les entreprises de plus de 500
salariés, des représentants des salariés siègent avec droit de vote aux
Conseils d'administration des entreprises. Les modalités devront être
discutées, bien sûr, les comités d'entreprise y étant aujourd'hui
représentés sans droit de vote. Mais avec droit de vote et sans droit de
vote, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même statut. Et la
désignation mérite d'être soigneusement pesée. Pour ma part, je pense
que l'élection directe, sur liste, ouverte à tous, syndiqués comme non-
syndiqués, est le système le plus simple et le plus transparent.

- Je soutiens qu'il faut associer les consommateurs à cet immense enjeu
du « produire en France ». Au temps de la traçabilité et des labels de
production « bio » ou « commerce équitable », j'ai la certitude qu'il existe
une attente des consommateurs qui à prix égal, ou à qualité égale,
voudront soutenir les emplois et la valeur ajoutée dans leur pays. J'ai
été très heureux de constater qu'en quelques semaines cette idée a fait
des progrès inattendus. J'ai vu fleurir des drapeaux tricolores sur des
produits blancs, par exemple, et j'en ai été très heureux. J'ai vu se
multiplier les articles de journaux ou les reportages sur des réussites
industrielles qui relocalisent ou qui ont surmonté le défi du maintien
de la production sur notre sol. Nous savons tous que la complexité de
la production fait, bien entendu, qu'une part des produits est très
souvent intégrée en provenance d'autres pays, parfois lointains. Je
pense que c'est légitime, et que l'introduction de composants, même de
composants à coûts de revient plus bas, n'est ni anormale ni choquante.
Je pense que l'important est de conserver les produits, et c'est
précisément la bataille que nous avons perdue en France. Je propose
donc un label « produit en France », accordé sur demande de
l'entreprise, qui indiquera au consommateur quel pourcentage de la
valeur ajoutée a été réalisé en France. « Made in France » est ambigu : je
préfère le « Produit en France », assorti d'un pourcentage qui pourra
par exemple être certifié par une association ad hoc regroupant des
consommateurs. Ces labels montreront à chacun ce qu'il paie pour son
emploi, pour celui de ses proches, pour sa retraite quand il fait ses
courses. Ils nous aideront aussi à prendre conscience des forces qui
sont les nôtres, de la qualité et de l'excellence de nombreux produits
français. Nous verrons que nous avons tous les atouts pour figurer
avantageusement dans la compétition mondiale.

- L'enjeu principal est celui des charges qui pèsent sur les
entreprises. Vous observerez que je n'ai pas dit seulement les charges

sur le travail. Car les charges fiscales, d'impôts directs et indirects,
les charges sociales, les charges administratives, tout cela fait masse.
Par exemple, la différence dans l'impôt sur les sociétés peut être du
simple au double à entreprises comparables dans le même secteur
d'activité. Il n'est pas sain, il est dangereux pour nos emplois, que la
majorité du financement de la protection sociale repose encore sur le
travail. Je dis bien sur le travail, car ce sont les entreprise qui paient,
mais en prélevant sur les sommes qu'elle pourraient verser au salarié.
Je crois que nous devons nous donner trois ans pour réfléchir et
mettre en place une mutation en profondeur de la structure des
charges qui pèsent sur l'entreprise, pour amener ces charges au niveau
moyen qui sera celui des pays industriels qui nous entourent.

- Pourquoi ai-je été réservé sur la TVA ? D'abord parce qu'on n'envisage
pas une réforme de cette ampleur in extremis dans les dernières
semaines précédant une élection présidentielle. Ensuite parce que tout
mouvement d'ampleur se traduirait par une hausse massive du coût de la
vie, que paieraient d'abord les salariés, ensuite les retraités et les
chômeurs. Enfin parce que seul l'argent dépensé, et non l'argent
épargné, acquitterait cette charge, et comme un grand nombre de
familles, les moins favorisées, dépensent par nécessité tout ce qu'elles
gagnent, elles seraient amenées à consacrer une plus grande part de
leurs ressources que les plus favorisées. Ultimement, parce que nous
aurons nécessairement besoin d'une hausse modérée de la TVA pour
réduire le déficit qui nous coule. Mais qu'il soit nécessaire de penser à
d'autres bases, plus justes, plus équilibrées, pour le prélèvement des
cotisations sociales, je maintiens que c'est juste et nécessaire. Je
propose d'en faire un chantier à part entière : un an pour la réflexion
partagée, deux ans pour la transition. Un allègement de ces charges
permettrait aux entreprises de trouver un peu d'oxygène pour investir,
ce qui est la condition même de leur survie et de leur développement.

- Enfin, la situation exigera une stratégie européenne. Il est des
produits que nous avons perdus, et que toute l'Europe, en même temps
que nous, a perdus. Je cite souvent l'exemple des écrans plats : produit
de grande consommation, omniprésent des Smartphones jusqu'à l'écran
de télévision, des ordinateurs aux tablettes. Produit de très haute
technologie. Produit dans lequel on ne peut pas dire que le travail
manuel joue un rôle décisif. Produit en salle blanche avec le plus haut
niveau d'exigence de performance. Pourquoi, nous Europe, avons-nous
perdu la fabrication de tous les écrans plats ? Aucun pays ne pourra le
reconquérir pour son compte. Il faut donc une stratégie européenne,
concertée, avec les investissements nécessaires. Il est temps que la
politique économique de l'Europe, qui se limite à une politique de la
concurrence, devienne aussi une politique industrielle. L'Europe se
trompe de chemin quand le souci de Etats membres est de se surveiller,
j'allais dire de se neutraliser, avant de réfléchir à ce qu'ils peuvent
faire en commun. Tous la législation actuelle est pourtant dominée par
une seule crainte : empêcher qu'un pays membre fausse la concurrence

en avantageant ses entreprises aux dépens de celle des autres. Je dis
que nous devons aussi avoir une politique industrielle commune, et
qu'elle ne doit pas se limiter à quelques grands programmes, fussent-ils
aussi prestigieux qu'Airbus. C'est le complément naturel de
l'imbrication étroite de nos économies.

- Dans tous les secteurs d'activité, il faut fixer un objectif : l'Europe
ne peut pas accepter d'être absente. Elle doit être raisonnablement
présente dans la concurrence sur son propre marché. Il ne doit pas
pouvoir exister de secteurs de production dans lesquels l'Europe ne
soit pas présente au moins autour de 50 % de son propre marché. La
France proposera à ses partenaires européens un plan de reconquête
des marchés dont elle est absente, et en particulier dans les secteurs
de haute technologie, et cela sans protectionnisme, avec une démarche
fondée sur l'offre, sur la qualité.

A ceux qui me disent que cette bataille est perdue, je réponds qu'elle n'a
pas encore été livrée. Nous avons d'immenses compétences dans les
services et dans les technologies de pointe. Appuyons-nous sur ces
forces pour reconquérir des filières que l'on aurait tort de croire
perdues pour l'Europe. Il y a de plus en plus de haute technologie
incorporée dans les produits de la vie courante, dans l'électro-ménager,
dans les équipements sportifs. Il y a de plus en plus de design et de
marketing dans le textile. Comme l'ont montré de nombreuses
entreprises françaises ou européennes, nous pouvons gagner des
positions dans ces secteurs en concurrençant les produits à bas coût
d'aujourd'hui par les produits à forte valeur ajoutée de demain. Le
succès de l'industrie automobile allemande n'a pas d'autre secret.

- Mais il n'y aura pas de reconquête sans reconstruction de l'ordre
dans les domaines monétaire et budgétaire. Les choix faits ces derniers
mois ont conduit à la situation chaotique que nous connaissons. Les
fragilités sont trop grandes pour qu'on imagine pouvoir continuer ainsi
sans accident. L'absence de surveillance et de transparence sur la
situation de certains États, la Grèce bien sûr, mais d'autres dont la
France n'est pas exclue, le jeu de maquillage des chiffres, le refus de
solidarité et d'intervention en soutien de la banque centrale ou d'un
organisme qui lui serait adossé, ont permis au soupçon de se propager.
Cette propagation n'est pas finie. Nous n'en sommes pas aux
conséquences ultimes. Mais de tout cela on ne sortira pas sans une
refondation en profondeur des mécanismes de loyauté, de transparence
et de solidarité en tout cas de la zone euro. Il est de la responsabilité
des institutions européennes de garantir la vérité des chiffres et la
loyauté des engagements pris. C'est le rôle de la Commission d'être la
première agence de notation, ou de faire naître auprès d'elle une agence
de notation prévisible et lisible pour tous les acteurs économiques et
politiques. Et il sera de la responsabilité de la banque centrale
d'intervenir pour empêcher une dégradation de la situation.

- Ce qui veut dire que l'Europe doit avoir une autorité politique,
cesser d'être un ensemble vide, une zone d'échanges sans volonté, sans
capacité, labyrinthique. La réforme de l'Europe est nécessaire à la
reconstruction de notre pays. Notamment, l'Europe seule peut conduire
une politique d'équilibre avec ses grands partenaires, la Chine en
particulier, pour qu'aucun artifice, par exemple une sous-évaluation
chronique de la monnaie ne vienne porter atteinte à la loyauté des
échanges.

- Une vraie autorité politique est nécessaire. Mais en démocratie, il
n'est pas d'autorité politique sans légitimité démocratique. Pour jouer
pleinement le rôle indépendant qui doit être le sien, pour rendre tout
son poids à une voix communautaire de plein exercice, l'Europe a besoin
d'un Président. Et ce président doit tenir sa mission d'une élection et
pas d'une désignation diplomatique. Un jour, et nous soutiendrons cette
démarche, le Président de l'Union, qui présidera à la fois la Commission
et le Conseil devra être élu au suffrage universel direct. S'il est
besoin d'une transition, il peut être élu par un Congrès des parlements
de l'Europe, représentant à parts égales les Parlements nationaux et le
Parlement européen.

- Il n'y aura pas d'investissement, d'accès facile au crédit, de taux
d'intérêts assez bas pour être intéressants pour les entreprises sans
une remise en ordre des finances publiques. Aujourd'hui, l'Etat est
presque perçu comme un risque ou une hypothèque sur notre pays, alors
qu'il devrait être un soutien et un garant de dernier recours. La remise
en ordre doit être rapide. Le déficit budgétaire doit être supprimé en
trois exercices budgétaires par un plan sérieux et progressif, qui
reposera à parts égales sur la diminution des dépenses et
l'augmentation des recettes. Cessons les guerres de religion entre ceux
qui veulent diminuer les dépenses – et qui d'ailleurs passent leur temps
à accroître la dette - et ceux qui ne pensent qu'à augmenter les impôts.
Les pays qui ont réussi le redressement de leurs finances ont toujours
dû jouer sur les deux leviers, au moins dans un premier temps. Le déficit
à combler est aujourd'hui de l'ordre de 100 milliards, soit selon le
principe de la réduction à parts égales des dépenses et des recettes, 50
milliards de dépenses et 50 milliards de recettes, à mettre en rapport
avec les 1100 milliards de dépenses de l'État, de la protection sociale et
des collectivités locales, et les 960 milliards de prélèvements.

- Ces sommes sont à atteindre en trois exercices et demi. Un collectif
budgétaire devra être voté dès l'installation de la nouvelle Assemblée
nationale, permettant de mettre en place les premières mesures
d'économies et de rééquilibrage. Ensuite, les budgets 2013, 2014 et 2015
doivent permettre de réaliser un plan de modération des dépenses
conjugué à une recherche juste et équilibré des recettes. On me dira
que trois ans, c'est irréaliste. Mais ce qui est irréaliste, c'est de croire
que nous avons du temps devant nous ; c'est de croire que nous
pourrions disposer de cinq ans d'accalmie, en dehors du cours de

l'histoire, pour nous rapprocher tendanciellement de l'objectif. C'est
ce qui a été fait jusqu'ici, et cela n'a pas marché.

- Plusieurs principes devront animer l'action du nouveau
gouvernement : la maîtrise de la dépense en valeur, en euros courants,
permet à elle seule, si l'inflation est autour de 2,5 %, de dégager
l'équivalent de 25 milliards d'économies par an. Cela ferait 50 milliards
en deux ans, en tout cas, en ménageant une marge de souplesse cet
objectif peut être atteint en trois ans.

- Les niches fiscales devront, pour certaines, être supprimées : par
exemple la défiscalisation des heures supplémentaires ne se justifie en
rien. Les heures supplémentaires qui apportent de la souplesse au temps
de travail et des revenus au salarié peuvent être en partie déchargées
pour compenser la prime à verser au salarié. Mais il n'est pas normal
que le revenu qui en est issu ne soit pas soumis à l'impôt. Pour d'autres,
elles devront être réduites à due proportion, de l'ordre de 25 % sur les
trois années.

- L'impôt sur le revenu devra être rendu plus progressif, avec une
tranche marginale nouvelle {à 50 %} pour les très hauts revenus (plus
de 20 000 euros par mois), {ce qui veut dire 63,5% avec les prélèvements
sociaux}.

- L'impôt sur la fortune, impôt de solidarité sur le patrimoine, est
justifié en période de crise aussi grave. Mais il doit être rationnalisé et
simplifié pour être débarrassé de ses effets les plus néfastes.
Plusieurs schémas sont envisageables : ils doivent évidemment être
appliqués après abattement sur la résidence principale et exclusion de
l'outil de travail, mais c'est une exigence de solidarité indispensable
dans la période actuelle.

- La TVA devra être augmentée de manière modérée pour participer à la
suppression du déficit. Cette hausse, de l'ordre de deux points,
contribuera pour une vingtaine de milliards au retour à l'équilibre.
L'expérience a prouvé que si la hausse est modérée, elle est souvent
absorbée en partie par le circuit commercial et de distribution. Deux
points de TVA, cela peut n'entraîner qu'un point d'augmentation du coût
de la vie.

- J'insiste sur un point : le redressement de nos comptes publics ne doit
pas être vu comme un exercice sacrificiel, comme une série de
soustractions qui nous appauvrirait.

Il ne nous rendra pas moins riches : les avantages dont nous nous
berçons aujourd'hui sont illusoires puisque financés à crédit.

Il est même certain qu'il nous
seulement fait de « moins », mais
connaître des effets récessifs
leurs comptes ont en général

croissance et d'une phase d'expansion prolongée. Le Canada en a donné
un exemple éclatant. Et c'est bien naturel : on entreprend davantage, on
se tourne avec plus de confiance vers l'avenir quand on sait que chaque
année qui passe renforce les excédents, consolide les retraites et
permet d'engranger plus d'acquis.

Remettre de l'ordre dans nos comptes constitue aussi une véritable
occasion de repenser en profondeur l'action publique, de la rendre plus
juste et plus efficace.

C'est particulièrement vrai pour la rénovation de notre Etat providence
qui accompagnera nécessairement le retour à l'équilibre. Je voudrais
tracer brièvement les principes essentiels qui pourront nous servir de
repère.

D'abord, tout ce qui ira dans le sens d'un rapprochement des régimes
doit être recherché. L'âme de notre système de protection sociale, c'est
la solidarité nationale et donc un traitement identique pour les
personnes qui sont dans des situations comparables.

Autre règle essentielle : notre système de protection sociale ne doit pas
créer de droits plus vite que nous ne produisons de richesses. Le
dirigeant du premier fonds chinois comparait récemment notre Etat
Providence à une pyramide de Ponzi : le propos est délibérément
provocateur, il a néanmoins le mérite de souligner que l'Etat
Providence ne doit pas promettre plus qu'il ne peut tenir. Nous avons du
reste un principe d'équilibre de la sécurité sociale. Mais, au fil du
temps, il a perdu de sa force parce qu'il est difficile d'apprécier sur une
seule année l'équilibre entre des recettes qui sont immédiates et des
engagements qui sont très évolutifs dans le temps.

Je pense instinctivement que nous devrons nous doter de mécanismes qui
assurent automatiquement l'équilibre à long terme de nos comptes
sociaux. Le système des comptes notionnels adopté par la Suède en
fournit un exemple pour les retraites. Il peut y en avoir d'autres. Mais
nous n'échapperons pas à la nécessité de donner tout son sens à
l'équilibre à long terme de la Sécurité sociale, parce qu'elle est un
contrat entre les générations.

La mutation que nous vivons n'est pas seulement un passage à vide après
lequel le monde redeviendrait comme il était avant. C'est l'occasion de
faire changer, de faire évoluer notre modèle de société, de le tourner
vers un mode de fonctionnement durable : durable parce qu'il sera assis
sur l'emploi et sur l'activité, durable parce qu'il garantira l'équilibre
des comptes, durable évidemment parce qu'il sera respectueux de
l'environnement. Ce n'est pas ici le lieu de détailler toutes les mesures
qu'implique la mise en place d'un nouveau savoir-produire, qui est aussi

un nouveau savoir-vivre. Mais pour ne prendre qu'un seul exemple, je
suis convaincu que l'énergie sera l'un des chantiers essentiels de notre
redressement. Favoriser les économies d'énergie, fournir aux Français
et à notre appareil productif l'énergie au prix le plus compétitif,
planifier la transition vers les alternatives aux nucléaires, accroître
la part des énergies renouvelables. Dans tous ces domaines, nous
pouvons nous fixer des objectifs précis . C'est indispensable à notre
réussite dans le monde d'aujourd'hui.

Mesdames, Messieurs,

Avec 1% de croissance comme aujourd'hui, il faut 70 ans pour doubler le
niveau de vie des Français ; avec 4% de croissance, comme dans les
années 1970 ou dans l'Allemagne de 2010, il double tous les 18 ans. Et
bien sûr, il ne s'agit pas seulement de niveau de vie, mais aussi de
confiance,
d'ouverture
vers
l'avenir,
de
cohésion
sociale,
d'indépendance nationale et d'autorité de l'Etat.

Je vous remercie d'avoir, par vos échanges, entamé le débat le plus
important de la période qui s'ouvre : celui du redressement de notre
pays, de notre capacité productive et de nos comptes publics.

La situation actuelle doit être regardée avec gravité. Pas seulement
parce que la note de notre pays a été dégradée d'un cran et que, pour la
première fois, nous ne sommes plus sur le même plan que l'Allemagne.
Mais à cause de tout ce que cela implique.

La situation actuelle doit être regardée avec gravité mais pas avec
découragement.

Au début des années 2000, les Allemands étaient dans la même situation
que nous aujourd'hui. Leur compétitivité accusait un net retard par
rapport à la nôtre, ils semblaient écrasés par la facture de la
réunification. En quelques années, ils sont redevenus une économie
forte, exportatrice, presque hégémonique – confiante dans ses atouts,
dans sa stratégie et dans ses perspectives d'avenir.

Le basculement n'a pas tenu à grand-chose : tandis que nous faisions le
choix des trente-cinq heures et que nous tardions à relancer notre
machine productive, ils ont adopté l'ensemble des mesures regroupées
sous le terme d'agenda 2010. Et l'exemple allemand n'est évidemment pas
le seul : nous assistons aussi au Brésil à l'émergence d'un nouveau
géant.

Ni les Brésiliens, ni les Allemands ne se regardent comme des
générations sacrifiées qui auraient dû consentir un effort surhumain
pour redresser leur pays. Comme les Français des trente glorieuses, ils

marchent au contraire avec l'assurance de ceux qui sont engagés sur un
sentier de croissance.

C'est un choix qui passe par une mobilisation collective et aussi par un
changement d'état d'esprit.

Les débats d'aujourd'hui sur la démondialisation me rappellent un peu
ceux qui ont précédé la création de l'Europe en 1957. A l'époque, la
France doutait. Elle était en déficit, engluée dans la guerre d'Algérie,
contrainte de demander l'aide du FMI. Le patronat français était alors
très hostile à la « communauté économique européenne » : tout le monde
pensait que les entreprises françaises seraient broyées par la puissance
allemande. Tout a changé avec l'arrivée du Général de Gaulle en 1958 et
les mesures immédiates qu'il a prises pour redresser les finances
publiques et libérer les forces productives : les doutes ont été balayés,
la France a adopté le Traité de Rome sans invoquer aucune des
exceptions possibles et nous avons connu l'une des plus belles périodes
d'expansion de notre histoire.

Regardons la réalité en face, mettons nous en marche : nous verrons
que le plus dur n'est pas d'avancer ; le plus dur, c'est de stagner.

Ce que nous vivons en ce moment, c'est au fond le retour du politique à
la sphère du réel. Cessons de vivre dans le virtuel, dans les annonces,
dans les promesses qui se succèdent si vite que l'on ne peut plus garder
le fil. Cessons de vivre dans le virtuel : l'endettement, ce n'est pas la
richesse ; un coup médiatique, ce n'est pas une politique ; une promesse
ne vaut que si elle s'accompagne de l'engagement de la réaliser.

Regarder la réalité, cela signifie pour moi deux choses.

Cela veut dire d'abord refuser les non-dits. J'ai indiqué en passant, tout
à l'heure, ce que m'inspirait la manière dont on avait mis sous le
boisseau le rapport de Nicolas Perruchot. On pourrait multiplier les
exemples où l'esprit de clan ou la recherche du consensus (tantôt l'un,
tantôt l'autre) conduisent à enterrer les vérités qui dérangent. Je dois
vous prévenir : j'ai pris ces dernières années le goût de l'indépendance.
Je ne serai pas le Président de l'omerta. Notre pays ne peut plus se le
permettre.

Regarder la réalité en face, c'est aussi prendre conscience que nous ne
réussirons que dans un climat d'union nationale.

Les mesures que nous devons mettre en place pour raviver notre
appareil productif ne sont ni de droite ni de gauche : elles impliquent
un dialogue collectif - avec des patrons de gauche et des patrons de
droite, avec des salariés de gauche et des salariés de droite. Cessons de
nous laisser dominer par les fractures de notre passé et affrontons les
réalités du présent.

Le redressement de nos finances publiques représente une vraie
mobilisation : nous ne la réussirons sans nous unir. Ce qui serait
irréaliste, c'est de croire que nous pourrons conduire cette œuvre
nécessaire sur la toile de fond des guerrillas politiques que nous
avons connues depuis vingt ans.

Le choix qui est devant nous est donc très simple : c'est le choix de la
réalité, c'est le choix du parler vrai et c'est le choix de l'union.

C'est un chemin qu'il n'est pas si difficile de parcourir. C'est un chemin
qui m'enthousiasme et que nous sommes de plus en plus nombreux à
vouloir prendre ensemble. Vous pouvez compter sur moi pour m'y
engager avec vous résolument. Je vous remercie.









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