Voeux à la presse et aux journalistes par Eva Joly
Mesdames, messieurs, cher-e-s ami-e-s,
Permettez-moi de sacrifier à la tradition des vœux en vous souhaitant une belle et heureuse année pour vous et vos proches. 2012 s’annonce riche en rebondissements pour les spécialistes politiques que vous êtes.
À vous toutes et tous, journalistes, je vous souhaite en 2012 de pouvoir exercer votre métier dans la plus grande liberté. Permettez-moi d’avoir une pensée pour pour vos soixante-huit confrères qui, à travers le monde en 2011 ont exercé leur métier au péril de leur vie, ainsi que pour les cent soixante-et-onze qui demeurent à ce jour emprisonnés. J’ai une pensée particulière pour les dissidents chinois et militants des droits de l’Homme qui ces dernières semaines ont été nombreux à être arrêtés.
Et j’aimerais dédier ces vœux aux opposants russes, qui sans relâche depuis plusieurs semaines défendent la liberté et la démocratie.
Permettez-moi encore, à ce propos, de vous demander d’être le relais d’un message personnel aux Françaises et aux Français !
Je souhaite aux Françaises et aux Français, cette année, de prendre en main leur destin et celui de leurs enfants et petits-enfants, en votant, le 22 avril prochain, pour un triple changement : un changement de Président, un changement de perspective et un changement de République.
À toutes celles et tous ceux qui, depuis des années maintenant, agissent quotidiennement pour une planète vivable, pour une démocratie vivante , et une société plus juste je veux dire solennellement : « Ensemble, changeons la donne en 2012 ! Vous pouvez compter sur moi. Moi, j’ai besoin de vous ».
Changeons de Président d’abord ! Il est temps de mettre fin à cinq années de gaspillages et de mensonges. Gaspillages et mensonges autour d’une nouvelle manière d’aborder la question écologique. Le Grenelle de l’Environnement avait été un espoir, vite rangé aux oubliettes par Nicolas Sarkozy. Gaspillages et mensonges autour de la gestion de la dette publique. Ce sont les cadeaux fiscaux et les errements de la politique économique qui sont les premiers responsables de l’accroissement phénoménal de la dette publique de la France. Gaspillages et mensonges autour du chômage et du pouvoir d’achat. Le « travailler plus pour gagner plus » est devenu « chômer plus pour gagner moins ». Gaspillages et mensonges autour des enjeux de société. Logement, sécurité, école : les effets d’annonce ont fait office de politique, au mieux sans résultat, au pire en remettant gravement en cause la qualité des services publics.
Hier encore, c’est par l’illusion et le mensonge que Nicolas Sarkozy s’est adressé aux salariés de SeaFrance. Je prends trop aux sérieux et je me sens trop proche du mouvement coopératif et de l’économie sociale et solidaire, pour laisser croire, comme le Président de la République, qu’il suffirait que les salariés versent leurs indemnités de licenciement pour rendre durable une reprise en SCOP. Dans cette affaire, comme trop souvent, le seul emploi que Nicolas Sarkozy a semblé vouloir sauver, c’est le sien.
Battre Nicolas Sarkozy le 6 mai prochain est donc un objectif prioritaire pour la candidate écologiste que je suis.
J’invite donc aujourd’hui François Hollande, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon à préparer dès à présent une dynamique de second tour et à s’engager à un désistement réciproque pour celui ou celle d’entre nous qui sera qualifié-e à l’issue du premier tour.
Mais une défaite de Nicolas Sarkozy n’aura d’effet véritable sur la vie des Françaises et des Français que si nous construisons une alternative et pas simplement une alternance.
Changer de perspective, voilà la grande affaire de cette élection présidentielle. Car nous entrons dans un monde nouveau. Et ce monde nouveau implique des politiques nouvelles.
Nous le savons maintenant, la planète est limitée en ressources énergétiques et naturelles. Cette finitude doit changer notre vision du monde. Nous savons que nous sommes engagés dans une course contre la montre pour éviter la catastrophe écologique.
L’année 2010 avait été l’année la plus chaude que l’humanité a enregistrée. 2011 a été en France l’année la plus chaude depuis plus d’un siècle. Partout dans le monde les tragédies climatiques se multiplient. Notre niveau de prédation sur les ressources naturelles n’a jamais été aussi élevé, mettant en péril notre capacité à nourrir l’humanité et à faire vivre pêcheurs et agriculteurs dignement. Chacun le pressent même si beaucoup s’y accrochent : le modèle économique de croissance à crédit, par l’endettement des ménages et des États, ou plus gravement encore par l’endettement vis-à-vis de la planète, est condamné. Je sais que cette réalité est encore difficile à accepter pour certains d’entre nous. Mais mon devoir est de dire la vérité. Pas de vendre aux Français des illusions dangereuses qui se retourneront contre eux. Je veux protéger les Français, pas les bercer d’illusions.
Cette nouvelle donne écologique, c’est aussi un opportunité historique de création d’emplois. Et je suis triste de voir mon pays passer à côté de cette nouvelle révolution industrielle. Je pense aux plus de 15000 emplois sacrifiés par ce gouvernement dans l’industrie photovoltaïque. Les salariés et les dirigeants des entreprises des énergies renouvelables que j’ai rencontrés – Sol Ouest en Bretagne, ou encore Photowatt et Bosch en Rhône-Alpes, comptent sur nous et attendent avec impatience un changement de gouvernement pour espérer poursuivre leur activité et donner libre cours à leur enthousiasme et leur dynamisme industriel. Je veux leur dire : vous pouvez compter sur moi.
Ces derniers jours, de nouveaux rapports ont encore une fois démontré que le mythe du nucléaire sûr et pas cher s’est aujourd’hui effondré. La sortie du nucléaire est pour moi un impératif moral. C’est aussi un choix de bon sens économique : avec les nouvelles normes de sécurité et en intégrant le coût du démantèlement, le prix de revient du kilowatt-heure nucléaire est maintenant supérieur à celui de l’industrie éolienne. Cette réalité économique n’est pas une lubie d’écologiste. Ce sont les derniers chiffres dont on dispose. La lubie, elle est du côté du lobby pro-nucléaire et de tous ses disciples, à droite comme à gauche.
Permettez-moi maintenant de vous donner ma première réaction sur la TVA sociale.. La TVA sociale est pour moi une mauvaise réponse à deux vrais enjeux qui me tiennent à cœur : élargir le financement de la protection sociale pour ne pas la faire peser uniquement sur le travail, et mettre fin à la désindustrialisation de la France qui est un des points noirs du bilan de la droite au pouvoir depuis dix ans.
Pourquoi la TVA sociale est-elle une mauvaise réponse ? Parce que c’est un très gros cadeau aux entreprises, qui sera payé par tous les consommateurs. Car qui peut croire que les entreprises vont répercuter dans leur prix la baisse des cotisations sociales ? Le MEDEF a déjà annoncé qu’il entendait bien en conserver une grande partie pour gonfler les marges des entreprises. Et la TVA est, on le sait, l’impôt le plus injuste. Avec la TVA sociale c’est la deuxième hausse de la TVA en quelques semaines après l’augmentation du taux réduit à 7 %. Je le rappelle : cette augmentation va rapporter 1,8 milliards d’euros à l’État. 1,8 milliards d’euros : autant que le manque à gagner lié à la réforme de l’ISF. Ce sont les plus pauvres qui vont financer la réforme de l’ISF pour les plus riches. Ça, c’est la réalité des réformes fiscales de Nicolas Sarkozy, qui restera jusqu’au bout le Président des riches.
Comme je vous l’ai dit, la TVA sociale est une mauvaise réponse. Pour élargir le financement de notre modèle social, je propose d’augmenter la CSG en la rendant progressive ; ce qu’elle n’est pas aujourd’hui. Cela permettra d’introduire une plus grande équité dans le financement et de faire contribuer les revenus du capital, puisque comme vous le savez l’assiette de la CSG porte sur tous les revenus et pas seulement ceux du travail.
Quant à la lutte contre la desindustrialisation, c’est pour moi une priorité. C’est l’un des symboles les plus forts de la faillite de la droite au pouvoir. Nous avons devant nous une nouvelle révolution industrielle, celle de l’écologie. Nous pouvons réindustrialiser la France grâce à l’économie verte. Je crois que vous le savez maintenant, parce que ce n’est pas la première fois que je vous le dis, il y a déjà beaucoup plus d’emplois en Allemagne dans les énergies renouvelables qu’en France dans le nucléaire. C’est là que sont les emplois industriels de demain, dans la chimie verte, dans la sidérurgie pour construire des éoliennes, dans la construction de rames de train, dans l’innovation pour produire les biens très peu consommateurs d’énergie dans tous les domaines.
2012 sera aussi bien sur une année déterminante pour l’Europe. L’Europe a rendez-vous avec son histoire. Et je le dis solennellement : il n’y aura pas de sortie de crise sans une double alternance en France en 2012 et en Allemagne en 2013. Je fais partie de ceux qui critiquent l’incapacité actuelle de l’Union à combattre le pouvoir des marchés financiers et à construire démocratiquement une voie de sortie de crise. Mais je voudrais dire à ceux qui en concluent qu’il faudrait moins d’Europe, qu’ils font une erreur grave et dangereuse pour notre présent et notre avenir. Regardez l’obscénité national-populiste d’un Viktor Orban qui, en Hongrie, instrumentalise les peurs et les fantasmes ancestraux pour remettre en cause les piliers d’une démocratie chèrement acquise. La politique de Viktor Orban nous rend encore plus douloureuse la disparition de Vaclav Havel.
Ce que nous préparons aujourd’hui, par nos décisions en cette période historique, ce sont les années 30. Mais quelles années 30 : 1930 ou 2030 ? La paix est trop précieuse pour oublier qu’elle peut aussi être fragile.
La paix, c’est en Syrie qu’elle est aujourd’hui menacée. Tant que la dictature de Bachar el-Assad sera en place, j’apporterai ma voix et tout mon soutien aux démocrates syriens qui chaque jour luttent et tombent sous les coups de la répression. Le silence ne peut plus durer.
Enfin, la troisième dimension du changement en 2012 c’est le changement de République.
Nicolas Sarkozy nous avait promis une République irréprochable. Nous savons ce qu’il en est advenu. Je suis prête à relever le défi d’une République irréprochable. Cette République irréprochable, elle a pour nom la fin de l’immunité judiciaire du chef de l’État, la fin du cumul des mandats, la fin d’un mode de scrutin majoritaire particulièrement injuste, la fin du laxisme qui domine, à droite comme à gauche, face à toutes les formes de corruption.
L’écologie, c’est aussi un rapport différent au pouvoir. C’est une approche qui ouvre la voie à la démocratie participative, à la prise en compte du temps long par rapport au temps électoraliste dans la délibération publique. La République exemplaire, ce n’est pas la suspicion généralisée, c’est l’espoir permanent pour les Français de peser sur les décisions politiques, de peser sur leur destin.
Mesdames, messieurs,
Il nous reste un peu plus de 100 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. Il reste 100 jours au peuple de l’écologie pour se mobiliser en faveur de la seule candidature qui défende la transition écologique. Il reste 100 jours pour convaincre tous ceux qui veulent une République exemplaire qu’un vrai changement de pratiques est possible. 100 jours pour montrer le chemin à tous ceux qui veulent une vraie alternance en phase avec les enjeux du nouveau monde.
Je nous souhaite que le mois d’avril ait en France un parfum de jasmin. Je souhaite qu’il soit l’occasion d’un véritable printemps démocratique.
Je vous remercie et suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
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