Bonsoir,
vous trouverez ci-dessous le discours de Pierre Moscovici, tenu ce matin suite au Conseil Européen du 30 janvier.
Bien cordialement,
Service de presse
Discours de Pierre Moscovici le 31 janvier 2012
« Conseil Européen du 30 janvier 2012 »
Le Conseil européen a adopté un traité qui confirme les craintes que j'avais exprimées à l'issue du Conseil européen du 9 décembre 2011. Il n'apporte pas de réponse à la crise. Il reste marqué par une obsession de la discipline budgétaire qui aggravera l'austérité et la récession. Il fait l'impasse sur les impératifs de la croissance, de la solidarité, de la lutte contre les risques financiers, mais aussi du contrôle démocratique des décisions européennes.
La responsabilité budgétaire s'impose à tous, dans un contexte de menace sur les capacités d'action de l'Etat. Je l'ai déjà dit et je le répète, le combat contre l'endettement public est un combat pour la Gauche. Parce que quand un Etat est endetté à l'excès, quand le service de la dette devient le premier budget de l'Etat, dans un contexte où il faut réduire les déficits, alors ce sont les services publics qui trinquent. Et si l'on veut retrouver de la souveraineté, si l'on veut retrouver les marges de manœuvre pour développer les services publics, l'éducation, l'hôpital, les services publics locaux, alors il est indispensable de se désendetter. C'est la raison pour laquelle nous mettrons en place, comme François Hollande l'a dit, un cadre national de réduction des déficits et de la dette qui conduit à l'équilibre des finances publiques à la fin du quinquennat. C'est un engagement absolu qui figure en tête du projet de François Hollande. Il ne s'agit donc en aucun cas de remettre en cause cela.
Dans le même temps, nous sommes conscients que la discipline budgétaire ne suffit pas à remettre la zone euro sur le chemin de la stabilité financière, de la croissance et de l'emploi. C'est pourquoi s'il est élu, François Hollande demandera que le nécessaire rééquilibrage des priorités européennes se traduise, dans un traité renégocié, par des dispositions de nature comparable à celles qui figurent aujourd'hui dans le projet de traité.
Je veux évoquer plusieurs dimensions.
La croissance, d'abord. En matière de croissance, nous pouvons penser à la réorientation des instruments existants de la Banque européenne d'investissement, du budget européen. N'oublions pas que nous serons, aussitôt après l'élection présidentielle, dans la négociation des perspectives financières pour la période 2013/2020. Je pense aussi à la mise en place de ressources nouvelles comme la taxe sur les transactions financières, ou encore la taxe carbone aux frontières, pour financer des projets industriels, des projets d'infrastructures, des projets de croissance, des projets dans le domaine de l'énergie. La mise en place de « project bonds » y contribuera aussi.
Le deuxième domaine dans lequel on peut compléter les choses, c'est la lutte contre les risques financiers qui demeurent une menace pour la stabilité de la zone euro, par une action commune de supervision, de régulation dans le domaine bancaire et financier, et par le développement du mécanisme européen de stabilité.
Nous approuvons la mise en place du mécanisme européen de stabilité comme étape — uniquement une étape — vers la mise en place de ce que j'appellerais un pare-feu de dimension adaptée. L'Europe a besoin d'une force de frappe financière importante pour sortir de la crise.
Troisième dimension, c'est la coordination des politiques économiques qui doit être encore étendue pour répondre de façon concertée aux déséquilibres de croissance et de compétitivité qui sont aussi à l'origine de la crise.
Quatrième dimension, la gouvernance, je veux insister sur le rôle de la Banque centrale européenne, qui doit exercer pleinement ses responsabilités dans le cadre de son mandat. Pour nous, cela veut dire certes la stabilité financière et monétaire, mais aussi le service de l'économie réelle, le financement de l'économie.
Enfin, dernière dimension, c'est la solidarité, en ouvrant la possibilité de créer des euro-obligations.
C'est le sens de la renégociation que nous demanderons.
Je voudrais insister sur un point, sur le fait que tout cela exigera une nouvelle dynamique franco-allemande, qui soit basée à la fois sur la crédibilité en matière de conduite de la politique économique et de responsabilité budgétaire, et aussi sur un effort de conviction mutuelle. L'amitié franco-allemande, pour nous, est essentielle, elle est vitale, elle est incontournable. Il ne s'agit pas, en quoi que ce soit, d'entrer dans je ne sais quel conflit avec l'Allemagne ou avec la Chancelière allemande — qui, somme toute, si elle veut venir soutenir un de ses partenaires conservateurs, c'est sa faculté, c'est sa liberté. Elle aura, si François Hollande est élu président de la République, à discuter avec un autre président. Disant cela, et parlant de la dynamique franco-allemande, je veux insister sur le fait que dynamique franco-allemande ne veut pas dire identité franco-allemande, ne veut pas dire imitation de l'Allemagne par la France.
Nous sommes deux pays différents, nous avons deux modèles sociaux différents, et pour ce qui nous concerne nous tenons au nôtre, nous tenons au contrat de travail, nous tenons à l'existence d'un salaire minimum. Nous voulons lutter contre la pauvreté et la précarité. Donc, tout n'est pas à retenir dans un supposé modèle allemand. Il y a des choses qui doivent nous inspirer évidemment. Et quand on parle compétitivité, ce n'est pas tant la compétitivité prix qui est un problème, que la compétitivité hors prix. C'est par exemple l'existence en Allemagne de ce qu'on appelle le Mittelstand, d'un tissu industriel de PME-PMI concentrées sur l'industrie, en lien avec les grands donneurs d'ordres. C'est cela qu'il nous faut non pas copier, mais trouver dans un modèle français.
L'amitié franco-allemande doit reposer là-dessus, sur l'affirmation de deux modèles sociaux, de deux identités nationales, de deux façons d'être, mais qui sont en même temps complémentaires, et chercher à trouver chez l'autre le meilleur de ce qu'il est capable de produire.
C'est dans cet esprit-là que nous agirons pour la renégociation qui, encore une fois, sera un travail de conviction. Non pas de remise en cause des disciplines budgétaires, encore une fois, mais d'ajout, pour compléter, de rééquilibrage, de réorientation. Parce que nous sommes convaincus qu'il y a une attente qui n'est pas satisfaite, c'est l'attente d'une Europe tournée vers la croissance, d'une Europe tournée vers l'emploi. Si l'on n'est pas capable de prendre en compte ces attentes, alors ce qui est au rendez-vous, c'est la déception populaire, c'est le rejet de la construction européenne.
C'est parce que nous sommes passionnément européens, parce que nous sommes attachés à cette dynamique européenne, que nous souhaitons la réorientation et le rééquilibrage.
Alors, comment pouvons-nous y parvenir ? J'entends déjà ceux qui vont nous dire : « ce traité est sur la table, il a été adopté par tous, comment pouvez-vous oser, d'une certaine façon, remettre en cause une telle négociation ? ». Je ferai deux remarques.
La première, c'est que le Président de la République a eu la sagesse de reconnaître qu'il ne serait pas raisonnable de procéder à la ratification de ce traité, qui sera signé dans le courant du mois de mars, d'ici à l'élection présidentielle. D'expérience, ayant été ministre des Affaires européennes, ayant eu à négocier des traités, ayant été Vice-président du Parlement européen, je sais ce que dure un processus de ratification en Europe. Donc, il sera temps, il sera encore temps, il sera tout à fait temps d'ouvrir cette discussion après l'élection présidentielle, sur la base d'un traité qui n'aura pas été ratifié par les différents pays signataires de l'Union européenne.
Ma deuxième remarque, c'est que nous pouvons parvenir à une renégociation que je souhaite sereine, que je souhaite positive, que je souhaite capable d'engendrer une dynamique nouvelle. Nous pouvons y parvenir grâce à la légitimité que confère l'élection présidentielle. Incontestablement, l'élection présidentielle provoque toujours un effet de légitimité puissant. Elle retrempe la légitimité, elle lui donne de la force. Sur la base de cette légitimité, la relation franco-allemande, comme la construction européenne, repart sur des bases pas entièrement nouvelles, mais renouvelées.
Pour cela, il faut une crédibilité suffisante en termes de responsabilité budgétaire. C'est notre volonté. Il faut enfin prendre en compte les attentes de nos partenaires qui n'ont pas été entendues, et il faut que la convergence de nos demandes avec les attentes européennes soit forte, alors que se profile une récession.
Notre conviction, c'est bien celle-là. C'est qu'au-delà même de la nécessaire responsabilité budgétaire, c'est le spectre de la récession qu'il faut conjurer, c'est la croissance qu'il faut être capable de relancer, c'est la solidarité qu'il faut améliorer, c'est la régulation qu'il faut développer.
C'est ainsi que nous accueillons ce traité européen.
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Service de presse
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